Agriculture, mouton. A l’heure où se termine la campagne de tonte en Provence, et où les prix de vente de la laine brute mérinos d’Arles sont de nouveau annoncés à la hausse, cette question, qui semblait incongrue voici seulement quelques années, mérite d’être posée.
Bélier de race mérinos d’Arles, domaine du Merle; merinos ram from Arles (Provence) in the Merle Domain
Source : Maison de la Transhumance, avril 2018
Bien que longtemps considérée comme la principale production de l’élevage ovin, la laine est en effet aujourd’hui classée par l’Union européenne comme un « sous-produit animal ». Depuis les années 1950, les fibres synthétiques dominent le marché du textile, la laine représentant moins de 2 % des fibres utilisées au niveau mondial.
En France, de nombreuses entreprises du textile ont fermé ou ont été délocalisées. Actuellement, la plupart des laines françaises sont ainsi envoyées en Chine pour être lavées et transformées industriellement, puis reviennent en France ou dans les pays voisins sous forme de produits finis. Aux plus mauvaises périodes, la vente de la laine brute ne payait même plus le tondeur, ce qui faisait qu’elle apparaissait auprès des éleveurs comme un déchet encombrant et générateur de coût.
Depuis quelques années, la laine retrouve toutefois de l’élan dans des domaines variés comme l’habitat, l’ameublement et surtout l’habillement. L’attention récente aux ressources naturelles et renouvelables, la recherche de la traçabilité des produits, l’intérêt pour les petites structures de transformation dans le cadre du développement territorial, pour les races à faibles effectif, donnent de nouvelles impulsions à la valorisation de la laine. Partout en France, les initiatives, individuelles ou collectives, se développent.
Dans le sud-est, en complément des entreprises existantes : manufacture Brun de Vian Tiran (Vaucluse), SCOP Ardelaine (Ardèche), filatures de Chantemerle et du Valgaudemar (Hautes-Alpes), de plus en plus d’éleveurs réapprennent à trier la laine et à la valoriser sous formes de pelotes, de vêtements ou de tapis. C’est le cas de l’association Raiolaine, où une vingtaine d’éleveurs de brebis raïole, installés dans le Gard, l’Hérault, la Lozère, l’Aveyron et l’Ardèche, relancent une activité lainière locale pour la literie, le feutre, le fil ou encore le tissage.
Dans les Alpes-Maritimes, les éleveurs se rendent en Sardaigne pour faire transformer la laine de brebis brigasques, longue et très résistante, pour la fabrication de tapis. Cette initiative permet également de faire la promotion de la race brigasque, typique des Alpes du Sud et du Piémont italien, mais en voie de disparition. L’association Mérilainos, qui rassemble une quinzaine d’éleveurs, fait transformer en Piémont la laine de brebis mérinos d’Arles en laine peignée. Chaque éleveur est ensuite responsable de la vente de la laine, le plus souvent au détail sous forme de pelotes et, pour certains, en kits à tricoter et sous-vêtements.
Comme nous le rappellera l’exposition « Bête à laine : le mérinos d’Arles », inaugurée le vendredi 18 mai au Musée des Alpilles (Saint-Rémy-de-Provence), la race mérinos d’Arles a été créée voici plus de deux cent ans en Pays d’Arles pour améliorer la qualité des laines issues des races locales. Elle produit aujourd’hui la plus fine d’Europe et la plus gonflante au monde, et est logiquement celle dont les cours sont actuellement les plus porteurs. La Maison de la transhumance prend sa part dans ce nouvel élan, avec l’organisation récente pour les éleveurs d’un voyage dans le piémont italien, ainsi que le développement de vêtements de randonnée dans le cadre du projet La Routo. Alors, croire de nouveau en la laine ? Pourquoi pas !
Patrick Fabre, directeur de la Maison de la transhumance.