Fréjus, place d’armes sous Louis XIV
et les canonniers de la côte varoise partant pour l’expédition d’Egypte
par Jean-Pierre VIOLINO
La vente de lettres permet parfois de tomber sur quelques textes qui concernent notre région :
La première lettre est celle de Louis de VALOIS, petit-fils de Charles IX, à Monsieur de TAMBARLET pour la convocation de la noblesse de Provence afin d’armer la province contre les entreprises ennemies. La cité de Fréjus y est désignés comme place d’armes en 1637 :
« Monsieur, nous n’avons plus de temps à perdre / ny à retarder que nous ne mettions tout en œuvre pour / affeurer le repos de cette Prouince, & empefcher les ennemis d’y / entreprendre ; Ie vous efcrits fur l’aduis certain que i ay, qu’ils ont / fait un grand amas de Canons & munitions pres de la frontière, / qu’ils ont à prefent quarante-fept nauires bien armés, & quarante / Galeres ; qu’ils attendent de iour en iour un grand nombre d’hom/mes pour faire un effort contre un place Maritime ; Ie m’y achemi/ne prefentemnent en l’eftat que ie puis, & m’attends que toute la / Nobleffe fera ce qu’elle doit pour le fervice du Roy, de fa Patrie / & pour l’honneur, & qu’un chafcun felon les ùoyens qu’il a fe met/tra en bon ordre ; le defire qu’au quinzième du mois prochain (pour le / plus tard) les equipages & perfonnes foient preparées en leurs mai/fons pour y attendre mes aduis plus precis, & d’eftre appellez au / rendez-vous qui pourra eftre à Fréjus, que ie defigne pour place /d’arme, ie feray autant qu’il fe pourra bon mefnager de la bourfe & / defpence de la Nobleffe, pour luy efpargner toufiours les couruées inu/tiles, fçachant qu’au befoin elle fe porte genereufement & liberale/ment aux deuoirs neceffaires, & qu’en voftre particulier vous rece/urez, à grand plaifir que ie vous inuite de faire voftre part felon / voftre qualité & moyens, pour eftre de la partie : J’attends / voftre refponce, qui m’aduertira de l’eftat auquel vous pouuez / eftre, afin que ie fçache nos forces pour les mefurer & conduire auec / tout le foin que ie dois, & les conferuer iufqu’à l’heureux retour, qui / fera (Dieu aydant) accompagné de la gloire, & de la fin de nos / bonnes intentions. Ie fuis /
MONSIEUR /
Voftre plus affeçtionné à vous / faire feruice. /
LOUIS DE VALOIS /
A Aix, ce 17 Iuillet 1638 »
Louis de VALOIS, duc d’Angoulême, est né à Clermont-en-Auvergne en 1596 (baptisé le 28 avril 1596) et décède à Paris en 1653 (13 novembre 1653). Il est le fils de Charles d’ORLEANS et de Charlotte de Montmorency. Il est donc le petit-fils de Charles IX et de Marie TOUCHET, et il est en outre gouverneur de Provence1.
Une nouvelle lettre signée « Louis de Valois », est adressée à M. de Tambarlet. Datée d’Aix, 11 mars 1647 avec cachet de cire aux armes, sur lacs de soie noire. Il s’agit de la convocation de la noblesse de Provence pour armer la province contre les entreprises ennemies : la prise d’un espion du Gouverneur de Milan a confirmé un projet de campagne contre quelques places de la côte.
L’ennemi a amassé canons et munitions près de la frontière et semble prêt à une offensive contre une place maritime. Fréjus est désigné de nouveau dans cette seconde missive comme place d’armes mais cette fois en 1710.
« Il est ordonné à une Compagnie du régiment de Dragons de / Foix cy devant Firmarcon, de partir / de Cogolin, le 21 May, et de se rendre / au Camp près de Fréjus. / Faict à Marseille le 11 May 1710. / GRIGNAN »
Cette lettre signé du Comte de Grignan, lieutenant Général des Armées du Roy, commandant en Provence et Comté de Nice. François ADHEMAR DE MONTEIL DE GRIGNAN, duc de Termoli, comte de Grignan, était le beau-fils de Madame de SEVIGNE (Châteaude Grignan 1632 – Saint-Pons 1714). Ce régiment des dragons est renommée le 27 décembre 1713, régiment de Châtillon. Deux régiments de dragons du Royaume de France reçurent la dénomination « régiment de Fimarcon » ; Le régiment de Fimarcon dragons, issu du renommage du régiment de Barbezières dragons le 19 août 1678, est renommé régiment de Foix dragons le 1er mars 1710. Soit deux mois avant cette ordre.
Une autre lettre nous apprend qu’en 1797 lors de la campagne d’Egypte, des canonniers de la côte varoise sont embarqués à Toulon pour le Proche-Orient. Un ordre daté du Quartier Général de Toulon du 5 messidor an V (23 juin 1797) signé par le général de brigade Jacques-Nicolas MOYNAT d’AUXON, commandant le 1er arrondissement du département du Var est adressé en ce sens au général LELARGE, commandant d’Armes :
« Citoyen Général. Je vous adresse sous ce pli l’état nominatif des 98 cononniers qui ont été pris dans les Compagnies détachées sur la Côte pour embarquer sur les vaisseaux de la République en rade de Toulon. D’après l’arrêté du Directoire Exécutif et la lettre du chef de l’état-major de la Division. Ces canonniers doivent être embrigadés ou incorporés dans les Demi-Brigades de la Marine. Vous voudrez bien en conséquence en faire opérer le travail. Le nombre de ces canonniers sera déduit de celui qui reste à fournir opur l’embarquement. »
Jacques Nicolas MOYNAT d’AUXON2, né le 22 juillet 1745 à Auxon (Aube), mort le 2 janvier 1815 à Dijon (Côte-d’Or), est un général de brigade de la Révolution française. Le 13 août 1793, il passe adjudant-général chef de bataillon, et il est promu général de brigade provisoire par le représentant en mission Lacoste le 17 avril 1794. Il est démis de ses fonctions par le représentant en mission Hentz le 8 juin 1794, mais le 9 septembre suivant, il est remis en activité et confirmé dans son grade de général par le Comité de salut public. Le 13 juin 1795, il n’est pas inclus dans la réorganisation des états-majors. Le 29 août, il rejoint le commandement de la 5ème division militaire à Rennes, puis le 12 décembre la 2ème division de l’armée des côtes de Brest. Le 25 septembre 1796, il prend le commandement du département du Var, et il est réformé le 15 juillet 1797. Il est admis à la retraite le 11 février 1800.
Jean-Baptiste-Amable LELARGE (1738-1805), en 1786 il est nommé directeur du port de Brest, puis promu contre-amiral en 1793 et vice-amiral en 1798. Rendu responsable de l’échec de l’expédition d’Iralnde, il est suspendu de ses fonctions en 1798 et cesse toute activité en 1801. Le 24 frimaire an V (14 décembre 1796), le vice-amiral LELARGE (il n’est pas général comme l’intitule le texte ci-dessus), remplace THEVENARD dans le commandement des armes de Toulon3
Il épousa en 1772 Mauricette-Marguerite de BERGEVIN (1751-1824) fille de François et de Marie COUSSAIS de LA FEILLEE.
1– Jean DUQUESNE, « Dictionnaire des Gouverneurs de Province » , Éditions Christian, Paris 2002, page 189
2 – Georges SIX, « Dictionnaire biographique des généraux & amiraux français de la Révolution et de l’Empire (1792-1814) », Paris, Librairie G. Saffroy, 1934, 2 volumes
3– « Le Moniteur », an V de la République, page 299.