Personnalité oubliée, Henri Joseph Cot est en son temps un sujet de curiosité surnommé le Géant du Cros.
Dans le classement des Géants, il est mentionné comme mesurant 2,36 m. Sa brève existence est cependant remplie d’évènements marquants et de voyages jusqu’aux Amériques.
Une taille et une vie hors du commun, jusqu’à son décès qui apparaît comme bien mystérieux.
Henri Cot est le cadet d’une famille de six enfants, il vient au monde le 30 janvier 1883 au sein d’une famille paysanne, au hameau du Cros, dans la commune de Mounès-Prohencoux en Aveyron.
Il est ondoyé dès la naissance car son poids exceptionnel de 16 livres fait craindre pour sa survie, mais contre toute attente il résiste et débute alors une croissance spectaculaire qui lui fera atteindre 1.50 m à 8 ans, 1.70 m à 12 ans, 1.95 m à 16 ans et 2.28 m à 20 ans
Cependant cette croissance hors norme n’est pas héritée de ses parents qui atteignent tout juste 1.60 m et ses frères et sœurs guère plus. Seuls deux de ses grands parents approchent les 2 mètres, quoiqu’ils eussent paru encore petits à côté de leur descendant.
Il est évident aussi qu’un tel gabarit ne vit pas de l’air du temps et que ses besoins alimentaires sont à l’avenant, ainsi avale-t-il sans sourciller une douzaine d’œufs pour le petit déjeuner, et huit livres de viande accompagnées de six livres de pain ne lui font pas peur au déjeuner.
Le conseil de révision
En 1903 arrive le jour où il est convoqué au conseil de révision. Inutile de dire qu’à Saint-Affrique Henri Cot ne passe pas inaperçu avec ses 2.30 m pour 160 kgs. Bras écartés son envergure est de 2.33 m, la bague qu’il porte à l’annulaire laisse passer librement une pièce de 0.10 cts et il recouvre un écu de 5 Frs avec son pouce…
Pour pouvoir le mesurer on a monté la toise spéciale et les conscrits roulent des yeux ébahis devant le phénomène.
Cependant, comme c’est souvent le cas chez les gens souffrant de gigantisme, il développe certaines pathologies, le médecin-chef constate une insuffisance thoracique et le réforme; ce qui n’empêche nullement le préfet de l’Aveyron, M. Rocault, présent à la cérémonie de clôture de venir lui serrer la main, accompagné des autorités civiles et militaires de la ville.
Les sommités médicales déclarent qu’il n’a pas terminé sa croissance, et en effet… il grandit encore…
Le conseil de révision et la poignée de main du préfet lui ouvrent ainsi les honneurs des gazettes. Le correspondant de La Dépêche de Toulouse titre : « Le plus grand conscrit de France s’appelle Henri Cot de Saint-Affrique et mesure 2,30 m ».
Il n’en faut pas plus pour que notre géant acquière une renommée nationale.
La célébrité
C’est ainsi qu’un impresario nommé Souilhau débarque chez lui, dépose 5000 francs sur sa table et lui propose de s’exhiber en travaillant pour Barnum.
Et voilà qu’en quelques semaines il devient « le géant le plus parfait, le plus beau et le plus impressionnant à voir ». Pendant deux ans on l’exhibe dans toute la France, dans les foires, théâtres et autres expositions qui se tiennent à Valence, Dax, Bordeaux, Rodez, Millau, Toulouse, Montpellier…
Voici ce qu’on pouvait lire dans L’Indépendant millavois (édition du 30 juillet 1905) :
“Le géant Henri Cot. Le plus grand Français se trouve en ce moment à Millau, car le géant Henri Cot, dont nous avons déjà parlé, est arrivé. Il se produira aujourd’hui samedi et demain dimanche, 29 et 30 juillet, salle du Théâtre, de 2 à 6 heures, et de 8 à 11 heures du soir. Henri Cot remporte partout dans son Tour de France un immense succès ; il fait l’admiration des sommités médicales qui l’examinent, toutes sont unanimes à reconnaître qu’il est malgré son jeune âge le géant le mieux constitué et le mieux proportionné que l’on ait jamais vu, toutes aussi ont déclaré qu’il était toujours dans la période de la croissance, qu’il grandirait jusqu’à l’âge de 25 ans, qu’à cet âge, il pourrait bien mesurer la taille de 2m.50 à 2m.60. A l’heure actuelle étant le plus grand français, il est par conséquent le plus grand jeune homme à marier de France. Mesdemoiselles, qui désirez un mari… bien élevé ! Mesdames, qui souhaitez un gendre à… hauteur ! pour faire le bonheur de vos enfants, venez toutes rendre visite à notre compatriote Henri Cot, vous reconnaîtrez qu’il pourrait bien vous convenir et vous direz : Autant lui qu’un autre. Tout le monde ira serrer la main à notre compatriote et le féliciter pour être l’homme le plus grand de France ».
La Dépêche du Midi, dans son édition du 27 octobre 1998 nous replonge dans l’état d’esprit qui régnait dans les fêtes foraines ruthénoises de la belle époque :
“Approchez, approchez ! Mesdames et messieurs ! Approchez ! Venez admirer le sensationnel géant Cot ! 2,30 m de hauteur ! Venez voir ses mains, venez voir ses pieds !”
C’est par ces mots qu’au début du mois de septembre 1905, le portier du théâtre municipal de Rodez interpellait le chaland ruthénois, attiré par les affiches racoleuses distribuées un peu partout dans la ville. Ce n’est pas tous les jours, en effet, que le public pouvait approcher l’homme le plus grand de la terre, fort de ses 160 kg, et qui pour être l’homme le plus simple du monde ne vous regardait pas moins de toute sa hauteur. Il en coûtait aux amateurs de sensations fortes un droit d’entrée de 0,20 à 0,30 f pour l’admirer sur scène, plus cher encore pour se faire photographier en sa compagnie.
Son petit neveu, Guy Cot, a conservé les archives concernant son géant de parent, des articles de journaux et des effets personnels. Par exemple cette paire de chaussures qu’il portait à 20 ans alors qu’il chaussait du 62.
A travers le monde
Dès 1906, il traverse la Méditerranée pour l’Algérie, qu’il sillonnera 5 mois d’Alger à Oran. Ensuite ce sera l’Angleterre.
Il aura dès lors sa place entre la femme à barbe et l’homme des bois des Carpates. Il ne cessera de voyager dans toute l’Angleterre de Londres à Birmingham et Manchester. C’est aussi en Angleterre qu’on veut le marier à une géante anglaise afin qu’ils engendrent une lignée de géants ; ce projet fou restera sans suite.
En novembre, il traverse l’Atlantique pour Halifax au Canada
Ensuite il revient en France pour repartir en janvier 1908 pour les États-Unis à Olympia, port des USA capitale de l’État de Washington, où il restera un mois dans un cirque.
Puis c’est à nouveau l’Atlantique pour revenir en Angleterre.
Ensuite l’année 1909 est apparemment une année entièrement française, où il reprend sa tournée des grandes villes.
1910 annonce le changement, un certain « Machnow Feodor » (1878-1912) bien que plus petit malgré ses semelles truquées attire davantage de monde que Cot.
Il se laisse alors pousser la barbe, change sa redingote pour un habit de tambour-major et prend un pseudonyme. En effet, la concurrence étant rude, peut-être même davantage dans ce milieu-là, il vit arriver un cosaque vêtu d’un beau costume et coiffé d’un haut bonnet d’astrakan, annoncé à grand renfort de publicité.
La transformation
L’impresario Souillau le baptise « Joseph Dusorc » (anagramme de « du Cros » son hameau d’origine) lui faisant endosser une tenue de tambour-major et son chapeau de 36 cm lui fait atteindre 2 m 63 !
Sous cet accoutrement il part en Allemagne pour un périple d’un an puis ce sera la Tchécoslovaquie et la Hongrie
Cependant le rythme intensif de ses voyages ont raison de sa santé. La colonne vertébrale, les articulations le font souffrir, ainsi qu’un surcroit d’activité de l’hypophyse. Il ne supporte pas la rigueur des frimas, affaibli, il décide de rentrer en France.
Énigme autour de sa disparition
Plusieurs versions circulent quant aux circonstances de son décès et on ne sait pas vraiment ce qu’il est advenu de sa dépouille.
Selon certains il serait mort dans son hameau natal d’une embolie pulmonaire, mais en vérité il serait mort à Lyon, assassiné à coups de couteau dans un cabaret pour une sordide histoire d’argent. Son corps aurait été vendu à un professeur de médecine de Montpellier et on aurait donné un cercueil rempli de pierres à la famille.
Le livre de Paroisse tenu par le curé de Mounès-Prouhencoux relate l’enterrement du Géant Cot avec précision :
“Le 15 septembre 1912 avait lieu dans le petit cimetière de Mounès la sépulture d’un véritable géant, Henri Cot, originaire du Cros. Décédé subitement à Lyon, sa famille avait tenu que sa dépouille mortelle reposa au milieu des siens. Elle nous arriva la veille au soir. Un corbillard à chevaux la portait de Saint-Affrique. Elle était renfermée dans un triple cercueil, faits tous les trois selon les lois de l’art moderne et ayant chacun un poids respectable. Le poids des trois cercueils, ajouté à celui du corps, dépassait les 400 kilos et arrivait presque à 500. Aussi quelles difficultés lorsqu’il fallut le descendre. Mais ce ne fut qu’une première difficulté. Une nouvelle surgit lorsqu’il fallut le transporter dans la maison de Valette où il devait passer la nuit. Il ne se trouva pas d’hommes assez forts pour faire ce court trajet qui va de la porte du presbytère à la maison Valette. Tout au plus parvenait-on à le soulever. Qu’aurait-ce été le lendemain, lorsqu’il aurait fallu le porter à l’église, et de là au cimetière. Sur notre proposition, on décida alors de le porter directement à l’église. On y parvint non sans peine au moyen de rouleaux de bois sur lesquels on le fit glisser. On le laissa sous le vestibule où il passa la nuit sous la garde de Dieu. Pour la cérémonie du lendemain, il ne fallut pas chercher à le porter jusqu’à l’entrée du sanctuaire où sont portés habituellement les restes des défunts, les bancs interdisaient tout passage. La cérémonie de l’absoute se fit donc sous le vestibule. Mais comment allait-on procéder pour le transport de l’église au cimetière, qui n’en est que très peu éloigné ? La nuit porte conseil. Grâce à trois puissantes cordes, dans chacune desquelles on passa deux barres de fer, douze hommes en eurent raison sans trop de difficultés. On aura une faible idée de ce que pouvait être ce corps, si l’on pense qu’il avait comme taille 2 mètres 30 et qu’en lui tout était bien proportionné… Lorsqu’il vous serrait la main, on sentait dans la sienne une force herculéenne. Son soulier dépassait les 50 centimètres… Il nous a été donné de voir au Cros le lit dans lequel il se reposait. On peut dire que c’est un double lit ne mesurant pas moins de 3 mètres. Dans ses voyages, lorsqu’il passait la nuit dans un hôtel, on était obligé d’aligner deux lits en fer dont un rabattait l’un des côtés.”
Comble du mystère, la tombe du géant a depuis disparu lors de travaux de réfection, mais nous pouvons aisément imaginer que son corps à défaut de reposer en paix au cimetière aura eu une fin purement scientifique.
C’est grâce à la rencontre du petit-neveu du Géant (Guy Cot) domicilié à Toulouse, que nous pouvons aujourd’hui reconstituer la vie de l’illustre géant aveyronnais.
Claude Boyer
Sources : millavois.com
Marc Parguel