Entretien avec Jeremy Banster, réalisateur de La Vie Pure

Jeremy Banster sur le tournage du film la vie pure avec l actrice

L’équipe passadoc a rencontré l’acteur et scénariste français Jeremy Banster pour discuter des coulisses de son tout premier film en tant que réalisateur : La Vie Pure.

Le film retrace l’histoire de Raymond Maufrais, un jeune explorateur français parti en expédition solitaire dans la forêt amazonienne en 1949. Il laisse derrière lui un journal, un carnet de voyages qui retrace son parcours, ses rencontres et sa recherche d’une Vie Pure. Il laisse aussi derrière lui le mystère de sa propre disparition…

Ça a été un choc de voir le film. C’est une “super-production” !

Jeremy : J’aurais adoré que ce soit une super production. On a fait le film pour 970 000 euros. On a pris le projet comme si on faisait le plus grand film du monde. On a pu tourner en scope, filmer de superbes paysages, etc. Des gens extraordinaires m’ont permis de réaliser le film que j’avais en tête.

Pour l’anecdote, Berto, un grand cadreur, est venu voir La Vie pure à Paris. Il venait de rentrer de tournage de The Lost City of Z de James Gray. L’action se passe aussi en Amazonie. Il m’a dit : “nous avions un budget de 60 millions de dollars pourtant on ne voit pas la différence : ce sont deux grands films !” Quelquefois avec des idées et une équipe soudée, on fait des miracles.

Conditions de tournage

On étouffait, on transpirait avec vous. J’avais encore ça en tête dans la soirée. C’est impressionnant ! Les intempéries étaient-elles supportables ?

Je m’en suis servi car la forêt est hostile. On passe du jardin d’Eden à l’enfer en une seconde. J’ai voulu montrer la forêt telle qu’elle est vraiment. J’en ai pas fait un monde des bisounours. J’ai montré sa beauté, sa richesse, sa diversité… quelle aventure extraordinaire !

Stany Coppet joue Raymond Maufrais, et on a vraiment l’impression de vivre son aventure…

Tout le monde a dépassé ses limites. Quand on voit les sacrifices pour en arriver là… Les techniciens devaient rester toute la durée du tournage. Je ne pouvais pas me tromper sur les femmes et sur les hommes. Si une personne déraille, ça met en péril le projet. On l’a fait tous ensemble, on ne fait jamais un film seul. Ce film en est vraiment le résumé grandeur nature.

Le générique est assez long… ce n’est pas une critique ! Avez-vous aussi employé des acteurs locaux ou des acteurs amateurs ?

On est parti à 15 personnes et beaucoup de monde a été employé sur place (guides, pilotes, piroguiers…). Nous avons uniquement employé des acteurs professionnels : Iceman et tous les bushiningués sont de vrais piroguiers qui jouent leur propre rôle, ça se lit sur leur visage. Ils ont une histoire qui nous amène et nous transporte. Sterela Abakamofou qui joue Andelma sur la pirogue est sublime. Pour la trouver, je suis allé dans un cours de théâtre à Saint-Laurent du Maroni. Un des baraquements a été transformé en théâtre amateur. Sterela avait 18 ans et pas 45 ans (l’âge initialement recherché par Jeremy pour ce rôle). On a fait des essais et elle était formidable. Tout le côté solennel et cette histoire du fleuve. Sterela a ensuite suivi le cours Florent. Elle est maintenant comédienne professionnelle.

Pour l’anecdote, à Maripasoula il n’y a pas de cinéma. Il pleuvait et on a projeté le film sur un grand drap blanc. Les piroguiers parlaient à peine le français. C’était un grand moment très émouvant.

Jeremy Banster avec l’actrice Sterela Abakamofou – photo : Cantina Prod

La Vie Pure

Comment as-tu découvert cette histoire ?

Je tournais un court métrage à Cayenne où Stany Coppet jouait le rôle d’un journaliste. J’ai intégré son personnage dans tout le film. À la fin du tournage, j’ai rencontré son père qui m’a dit : “y a une histoire très connue ici”. Il m’a offert le livre “Aventures en Guyane” de Raymond Maufrais. J’ai eu un choc. Je me suis dit : ce sera mon premier long métrage de fiction pour le cinéma. J’ai ensuite monté ma société de production Cantina Studio  avec mes associés.

Il y a un vrai parallèle entre ce que tu as vécu toi-même et ce que tu as fait du film, est-ce une coïncidence ?

Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous ! C’est un rendez-vous sur ma route, la route de Stany. Je savais que j’en ferais un film un jour. Pour moi c’est un sentiment intérieur où on essaye d’aller au bout des choses.

Le film est-il une copie conforme du récit de Raymond Maufrais ?

Tout est vrai. C’est l’histoire du père qui fait de son fils un explorateur. Il était comptable à l’Arsenal de Toulon avant de le devenir. Une seule chose n’est pas dans le livre : Jeanne, sa petite amie, est enceinte. Le père Maufrais arrache 3 ou 4 pages qui traitent de la relation de Raymond avec Jeanne. Mais Raymond est prêt à faire tous les sacrifices pour aller voir les Tumuc-Humac .

Raymond Maufrais pensait revenir…

Il ne voulait pas la laisser seule mais il voulait accomplir son destin. On a recherché cette femme avec l’équipe du film. On ne l’a jamais trouvé. L’enfant a dû être adopté. On n’a retrouvé aucune descendance du côté de Raymond.

La dernière image du film montre Raymond dans la rivière. On sait qu’il va mourir… mais on espère vraiment qu’il va s’en tirer.

C’était le début du tournage. On a choisi de commencer par la fin, par la Guyane. C’était la seule solution pour réussir le film. Physiquement, Stany Coppet a souffert car il est amaigri. Il a ensuite repris du poids, mais il a commencé le film à -17kg !

La scène de fin dont vous parlez, où Raymond dérive sur le fleuve et disparaît totalement jusqu’à ce qu’on perde sa tête, dure presque 3 minutes. Quand on écrivait le scénario avec Stany, je lui disais : “ce sera un long plan séquence, tu vas disparaître. Le personnage de Maufrais va redevenir animal.”

Il me répondait : “de toute façon, ce film, on va jamais le tourner ; franchement cette scène on la tournera jamais”.

Je lui ai demandé : “Stany, tu ne crois pas au projet ?”.

Et il m’a enfin confessé : “je t’avoue quelque chose : j’ai peur de l’eau. J’osais pas te le dire ; j’appréhende les piranhas, les rochers, les caïmans, les branches, les rochers…”

Je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit : “on fait un pari. Si le film se fait, tu tourneras cette séquence”. Je lui ai tendu la main et il me l’a serré. Le jour du tournage de la séquence, il était pas bien, il était quasiment nu dans l’eau avec un plongeur au départ et un plongeur à l’arrivée. Comme on était sur une pirogue, le cadre bougeait dès que quelqu’un respirait. On l’a refait 17 fois ! On a fait ça pendant 3 heures. Une scène compliquée mais tellement belle.

Aspects techniques

Et la musique ? Tellement belle et apaisante.

Nathaniel Méchaly a fait les musiques d’Almodovar, de Guy Ritchie, etc. Quand je suis revenu de forêt, je lui ai envoyé deux séquences montées. Il m’a répondu le soir même et il a composé la musique. Merci encore à lui…

Comment avez-vous filmé l’ocelot (félin vivant en Amérique du Sud) ?

On tourne en Amazonie donc on veut des animaux sauvages. Nous rencontrons des chercheurs pendant les repérages dans la forêt amazonienne. Je leur dis : “J’ai des séquences avec des singes hurleurs, des mygales, des anacondas, des fourmis rouges, des guêpes à feu. Il faut que je le tourne sur 2 jours.” Et le chercheur me répond : “Je vais te décomplexer : on peut rester 6 mois planqués et ne rien voir. En conclusion, on va au zoo de Sinnamary  et on les filme en milieu naturel ; tu rentres dans les serres, dans les cages”. Du coup j’ai tout filmé là bas.

Pour la petite histoire, on est un jour sur le fleuve avec Stany et un amérindien. On voit une tête dans l’eau nager et traverser le fleuve. C’était un petit jaguar de jour qui a sauté sur un tronc d’arbre ; on m’a expliqué qu’il devait avoir très faim pour se mettre en danger de cette manière.

Vous avez également tourné en métropole ?

Toulon, c’est la vie des Maufrais, avec leur appartement. Il y a même un quartier Chicago à Toulon et à Cayenne. Comme tourner à Toulon revenait cher, on a finalement trouvé un appartement dans le 13e arrondissement de Paris où les rues pavées y étaient meilleures.

Mais c’était impossible de parler des Maufrais sans mettre un pied à Toulon ! Le film a un très beau plan sur la rade. On y voit le père Maufrais lire une lettre de son fils. Nous avons tourné d’autres scènes dans les petites rues piétonnes du vieux Toulon. Le film a été projeté à Toulon et nous avons eu un sublime accueil de la presse et des Toulonnais.

Portrait de Jeremy Banster – photo : Cantina Prod

Jeremy Banster

Et quelques années plus tard, le Languedoc devient ta terre d’adoption…

Avec ma petite famille, on se plaît ici. La région nous a ravi depuis le premier jour. Les choses n’arrivent pas par hasard. On traverse une pandémie alors on se rapproche de l’essentiel, de la famille, de nos enfants. On vit une vie assez simple, en accord avec la famille. C’est simple de s’installer ici, on a retrouvé du sens. C’est une vie très agréable. On se voit bien s’installer à long terme. On a eu un vrai coup de cœur pour la région. Toute cette diversité, la mer, les Cévennes, l’Espagne, le Pic St Loup, la Provence à côté…

Aujourd’hui, le souvenir de Raymond et Edgar Maufrais est toujours très présent.

Ce sont des héros ! Raymond a inspiré de jeunes explorateurs qui ont essayé de le copier sans lui arriver à la cheville. Raymond a laissé un espoir d’aller au bout de ses rêves. Je le dis à tout le monde : il faut essayer d’assouvir ses rêves et tenter des choses. Raymond a tenté un truc incroyable, il a quasiment réussi puis disparu en ne laissant qu’un journal de bord.

C’est quelque chose d’essentiel d’aller au bout de ses rêves et de ne pas avoir de regrets. Y arriver c’est autre chose !

Dans le film, Monsieur Bernard est le seul qui pousse Raymond à aller jusqu’au bout. Tu joues le rôle de Monsieur Bernard. Donc sans ton aide il serait jamais allé jusque-là !

C’est un déclencheur. Il est accueilli par cette famille. Le rôle de Bernard était pour un comédien beaucoup plus vieux que moi. Je n’ai pas trouvé d’acteur sur place pour deux jours de tournage. Effectivement, c’est lui qui lui tend la main, qui lui donne des forces. On l’a tourné en 2 nuits à la fin du film. Quand je vois ce personnage je souris car je ne me reconnais pas !

Tu dis que tu as beaucoup d’affection pour tes personnages. Peux-tu jouer des rôles de méchant ?

Chez chaque méchant il y a une motivation. Les gens méchants sont des gens blessés. Jouer les salauds c’est passionnant. Vous arrivez à trouver une émotion intéressante. J’ai joué un astrophysicien qui abusait de son pouvoir. J’ai eu beaucoup de plaisir à l’interpréter.

Jeremy Banster sur le tournage du film La vie pure – photo : Cantina Prod

Quel est ta préférence entre les métiers de réalisateur et d’acteur ?

Mon métier c’est de raconter des histoires – acteur, réalisateur, auteur, producteur… pour faire passer des messages profonds. Plus j’avance et je vieillis, plus je me le dis tous les matins. Aujourd’hui je produis un documentaire sur les déchets. Je réalise un portrait de cinq artistes en situation de handicap. Et je m’éclate quand je joue la comédie.

Bientôt une suite du film avec l’aventure du père Maufrais ?

On y a pensé, c’est dans un coin de ma tête. C’est quelque chose qui n’est pas impossible.

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