Mai 68 a libéré les paroles et certaines pratiques. Mais pas pour tous explique André Abbe…
Le berger Julien Raynaud charge le bât de son âne
A la fin de l’estive, on prépare le retour dans la vallée avec l’ânesse Cocotte
Cinquante ans après mai 68, les premières images qui reviennent en mémoire sont celles des slogans: “Il est interdit d’interdire”, “Sous les pavés la plage”, “Jouir sans entraves”… Je n’ai pas vu de banderole portant l’inscription “Gagnons le droit à la paresse”, mais ce droit est une conquête de mai 68. Les paresseux n’ont plus eu besoin de faire semblant de travailler pendant les heures d’activité salariée dans bien des endroits mais pas partout.
Dans le milieu paysan, le droit à la paresse n’est pas entré dans les mœurs. La fainéantise est toujours considérée comme le pire des vices, parce qu’elle nuit aux vivants végétaux ou animaux avec lesquels les paysans travaillent. Une amie bergère disait de voisins pas trop courageux “Aquelei parton pas lo jorn qu’enbaston” (ceux là ne partent pas le jour où ils mettent le bât – sous entendu sur leur âne ou leur mulet).
Mettre le bât sur l’âne demandait dix minutes et y attacher les affaires à transporter dix minutes de plus. Mais le manque de motivation pouvait laisser trainer les opérations jusqu’à la nuit.
J’emploie le passé mais il y a toujours des ânes bâtés sur nos montagnes. En été ils transportent, en autres, le sel d’assalis en assalis, ces pierres plates sur lesquelles on le dépose pour les moutons car il leur est aussi nécessaire que l’eau.
André Abbe