Il existe des services que nos téléviseurs à écran plat ne peuvent pas rendre. Les télés des années 70 étaient plus profondes que larges. Un copain berger en avait trouvé une qui était capable d’abriter son chien qui avait l’allure d’un beauceron, un belle bête.
J’ai toujours admiré les pastres qui ont la capacité de ne rien laisser perdre. Mon ami Julien Raynaud découpait ses chaussettes russes dans de vieux draps et dans ses jeunes années il lui arrivait de faire de la “moutounnesse” avec la viande d’une brebis morte accidentellement pendant l’été en montagne.
Il désossait la carcasse de la brebis et ne conservait que la viande qu’il salait et qu’il enfermait dans la peau de la bête bien à plat puis qu’il comprimait sous des pierres. Quelques semaines plus tard, la viande était mise à sécher à l’air libre ou dans la cheminée de la cabane s’il y avait de la place. Elle pouvait être enfin dégustée quand le berger la jugeait prête. La peau était récupérée pour être montrée au propriétaire de la brebis morte comme preuve d’une mort accidentelle.
Je n’ai jamais eu la chance de goûter de la moutounnesse. Je n’ai jamais non plus mangé de la marmotte. Cet animal est protégé mais il arrivait que les chiens en tuent une et dans ce cas le berger la cuisinait pour ne pas l’abandonner aux corneilles. Ne rien laisser perdre était la devise; on y revient peu à peu après des décennies de gaspillage.
André Abbe.
Photo : André Abbe