Dernièrement je vous ai parlé de Raymond Maufrais, aventurier toulonnais parti explorer l’Amazonie.
Voici l’histoire d’un autre explorateur qui, bien que n’étant pas Varois n’en est pas moins Passadocien.
J’écris d’autant plus volontiers cet article que c’est en lisant une biographie de René Caillié que m’est venue l’envie de voir l’Afrique, d’aller au Mali, de me rendre à Ségou et de là partir pour Tombouctou en remontant le Niger en pinasse.
J’ai presque réalisé mon rêve.
Je me suis rendu au Mali, je suis allé à Ségou mais la guerre a stoppé mon élan et je n’ai jamais vu Tombouctou.
« Quelle connerie, la guerre ! »
Jacques Prévert.
L’enfance et la jeunesse
René Caillié voit le jour à la fin de l’année 1799 à Mauzé-sur-le-Mignon dans les Deux-Sèvres, département de la région Nouvelle Aquitaine.
Quatre mois avant sa naissance, son père, François, est condamné à 12 ans de bagne pour un petit larcin. Il ne connaîtra donc jamais ce père qui meurt à 46 ans au bagne de Rochefort.
Le sort s’acharne sur la famille quand Elisabeth sa mère meurt à l’âge de 38 ans. René (11 ans) et sa sœur Céleste (18 ans) sont recueillis par leur grand-mère maternelle.
Fasciné par la lecture de Robinson Crusoé, René quitte Mauzé à l’âge de 16 ans, part à pied pour Rochefort distante de 40 km, avec pour tout viatique 60 francs reçus de sa grand-mère.
Ses premiers voyages
Une fois sur place, désirant explorer des terres encore vierges, il erre sur le port à la recherche d’un embarquement ; il le trouve sur La Loire, un des navires de l’escorte de la Méduse dont on connaît le tragique destin.
Après le naufrage, les trois bateaux restants – dont La Loire – font escale à Saint-Louis du Sénégal, puis repartent pour Dakar qui n’est alors qu’un village de pêcheurs où Caillié reste quelques mois.
Un jour, il apprend qu’une colonne anglaise dirigée par le Major William Gray doit quitter la Gambie plus au sud pour explorer l’intérieur du continent. Ecoutant l’appel de l’aventure, Caillié part à pied en longeant la côte sur 300 km avec l’espoir d’obtenir une place au sein de cette expédition, mais victime de la chaleur et souffrant de la soif, il abandonne son projet et embarque pour la Guadeloupe.
Une fois sur l’île, il trouve du travail pour six mois et lit le récit de l’explorateur Mungo Park sur l’actuel Mali.
Cet aventurier écossais a été le premier Européen à atteindre le Niger et à visiter les villes de Segou, Sansanding et Bamako en 1795. Reparti en 1805, Park se lance dans une seconde expédition mais il se noie dans le Niger lors du franchissement d’un rapide.
Caillié rentre en France en 1815 pour se préparer à partir sur les traces de Park, ce qu’il fait en 1817. Depuis le Sénégal, il suit une mission qui lui donne l’occasion d’apprendre la culture africaine ; mais atteint par les fièvres en 1820, il rentre à nouveau en France dans un état de santé déplorable.
Périple à Tombouctou
En 1824, la Société de Géographie de Paris annonce qu’elle offre une récompense de 10 000 francs-or au premier Européen à revenir de Tombouctou, on imagine alors la ville aussi fastueuse qu’à l’époque de Kanga Moussa.
Galvanisé par cette récompense, il repart pour le Sénégal avec la ferme intention d’atteindre Tombouctou, mais pour s’aventurer dans ces terres alors hostiles, il lui faut impérativement acquérir des connaissances. Afin de se familiariser avec la langue arabe et l’Islam, il s’installe chez les Maures Braknas dans l’actuelle Mauritanie où il s’invente une identité de musulman car Tombouctou est interdite aux chrétiens.
Il décide de partir seul afin de mettre toutes les chances de son côté et garder la maîtrise de son aventure en évitant toute indiscrétion ou trahison d’éventuels compagnons de voyage.
Le 19 avril 1827 c’est le départ tant attendu. Il longe le massif du Fouta-Djalon, passe les sources du Sénégal et franchit le Niger à Kurussa, ensuite il arrive en Côte d’Ivoire où, souffrant du scorbut il doit rester cinq mois. Une fois rétabli, il reprend son voyage à destination de la ville de Djenné d’où il prend une pinasse remontant le Niger pour Tombouctou ; il arrive enfin le 20 avril 1828.
Et là il connaît une grande déconvenue. Au lieu de trouver la ville somptueuse et riche dont il a rêvé tout au long de son aventure et pour laquelle il a vécu tant de souffrances, il est déçu de trouver une cité de misérables maisons en banko tombant en ruine.
Il ne peut s’attarder en ville car si son déguisement a pu faire illusion pendant le voyage, il craint d’être démasqué en restant sur place et dès le 4 mai, il se joint à une caravane qui se rend au Maroc en traversant le Sahara. Finalement le 12 août, il arrive à Fès qu’il qualifiera de « ville la plus belle qu’il ait vue en Afrique ». Il se rend ensuite à Tanger où il embarque pour l’Espagne et ensuite la France
Son retour en Europe
René Caillié n’est pas le premier Européen à se rendre à Tombouctou, un Français et un Anglais l’ont précédé mais sont morts en Afrique.
Caillié est celui qui remplit la condition d’en revenir pour percevoir le prix de 10 000 francs-or conjointement au Grand Prix des explorations et voyages de découvertes, cet exploit lui vaut aussi la Légion d’Honneur a et une pension.
En 1830, il publie son « Journal d’un voyage à Tombouctou et à Jenné » mais aussitôt des détracteurs notamment anglais contestent ses affirmations. Cette mise en cause l’affectera profondément au point qu’il clôt son journal en ces termes «, j’avouerai que ces injustes attaques me furent plus sensibles que les maux, les fatigues et les privations que j’avais éprouvés dans l’intérieur de l’Afrique »
Devenu maire de Champagne, oublié du public, il s’ennuie dans son domaine de la Baderre et rêve de retourner en Afrique mais il meurt à 39 ans, le 17 mars 1838, vraisemblablement de la fièvre jaune, usé par son périple.
Il repose dans la commune de Pont-l’Abbé-d’Arnoult.
Mémoires
Jules Verne le qualifie du « plus intrépide voyageur des temps modernes ». il le décrit comme ouvreur de l’empire colonial français africain.
En 1885, ses biographes écrivent.
«René Caillié a été le précurseur des grandes choses qui, plus de cinquante ans après lui, s’accomplissent sous nos yeux. Il n’a pas créé de mer ni percé d’isthme ; mais il a tracé une route, et cette route que durant de longs mois il a parcourue douloureusement au prix de fatigues inouïes, voilà que déjà nous pouvons prévoir le jour, où sillonnée par des machines à vapeur, elle nous livrera toutes les richesses de l’Afrique centrale. »
Il est considéré comme le premier « africaniste » respectueux des populations et civilisations rencontrées en dénonçant l’esclavage et la condition des femmes.
Sa ville natale, Mauzé-sur-le-Mignon, organise chaque année la Fête à Caillié et le Festival de l’aventure.
Bien que plus très connu en France hors de sa région natale, il reste réputé et étudié dans trois des pays qu’il a explorés: la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali.
En 1982, une expédition de la Société de Géographie (Paris), a reconstitué le voyage de Caillié des côtes de la Guinée jusqu’à Tombouctou.
Claude Boyer
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