Des années 30 aux années 70, mon père faisait appel à des vendangeurs italiens, sauf pendant la guerre quand les Italiens étaient officiellement nos ennemis.
Ces vendangeurs étaient des voisins puisqu’ils venaient du village frontalier de Torri (photo) , commune de Vintimille. Mon père leur parlait le provençal maritime de Roquebrune (Var) et eux répondaient en dialecte ligure occidental et tous se comprenaient parfaitement.
Le seau à vendange s’appelait chez nous le poeire et chez eux le segelin mais pas de problème, les noms étaient enregistrés de part et d’autre une bonne fois pour toutes et “faï tirar”.
Presque tous les vendangeurs s’appelaient Ballestra, j’ai appris plus tard que le ballestra c’était l’arbalètrier du temps de la République de Gênes. Pour être arbalètrier il fallait être costaud et nos vendangeurs étaient des costauds, les femmes aussi… y compris celles qui étaient frêles en apparence.
Au fil des ans, des liens amicaux s’étaient tissés entre nos familles…nous nous recevions parfois et mon premier voyage à l’étranger je l’ai fait chez eux !
A partir des années 70, l’Italie devenant prospère il n’avait plus été intéressant pour nos amis torrasques (de Torri) de venir perdre leur temps à vendanger chez nous. J’ai ensuite fait appel à des copains pour vendanger avec moi.
Je ne vous apprendrai pas qu’aujourd’hui presque partout on utilise la machine à vendanger. Les sécateurs et les seaux sont encore utilisés dans certains domaines, heureusement.
J’ai la nostalgie de ce temps des vendanges… j’ai revu Janot et Renato Ballestra à Vintimille vers 1995 puis une délégation des vendangeurs de Torri est venue chez moi. Ils ont été surpris de constater que les vignes avaient disparu.
A cette époque la Mutualité Sociale Agricole n’aimait pas les double actifs et je me faisais assaisonner avec des cotisations sociales de solidarité abusives, je leur avais expliqué que c’était une des raisons pour lesquelles j’avais abandonné la viticulture, mais ils avaient été déçus.
J’avais capitulé.
André Abbe.