La flotte française se saborde à Toulon.
Le 8 novembre 1942, à la suite de l’opération Torch les Alliés débarquent en Afrique du Nord, le 11 les Allemands envahissent la zone libre et foncent vers la Méditerranée.
Le 27 novembre, l’opération Lila visant à s’emparer de la Flotte de guerre française alors consignée à Toulon est déclenchée.
L’Allemagne trahit les termes de l’armistice
En parfaite contradiction avec les termes de l’armistice de 1940 qui précise que Toulon doit demeurer un camp retranché tenu par des troupes de l’armée françaises, deux colonnes allemandes pénètrent dans la ville.
A l’Est elles s’emparent de l’arsenal du Mourillon et du Fort Lamalgue où l’amiral Marquis, préfet maritime est arrêté et à l’Ouest elles occupent l’arsenal principal mais aussi les batteries du Cap Cepet qui contrôlent la sortie du port militaire empêchant ainsi toute fuite de la flotte.
Tandis que l’amiral Marquis est emmené, son chef d’état major le contre-amiral Robin, présent aussi à Lamalgue, parvient à transmettre au major général de l’arsenal, le contre-amiral Dornon, l’ordre de sabordage qu’il retransmet aussitôt à l’amiral Laborde à bord du Strasbourg.
A 5h25 la porte de l’arsenal principal est à son tour enfoncée par les blindés allemands, c’est alors que le Strasbourg, bâtiment amiral des Forces de Haute Mer, lance par radio l’ordre général de sabordage répercuté également par signaux optiques.
Branle bas de combat général
Tous les navires sont alors évacués, ne restent à bord que les équipes de sabordage constituées et préparées dès le franchissement de la ligne de démarcation par le Reich le 11 novembre.
En quelques minutes de multiples explosions vont secouer les bâtiments présents dans l’arsenal, au point que les toulonnais croient en un bombardement. Certains navires, comme les croiseurs Algérie, Marseillaise ou Dupleix, brûleront pendant plusieurs jours.
Tandis que les navires de surface vont par le fond, cinq sous-marins bravent les ordres de sabordage et parviennent à franchir les passes du port militaire au prix des pires difficultés (champs de mines magnétiques, bombardements allemands).
Deux parviendront à rallier Alger, le Casabianca et le Marsouin, un ralliera Oran, Le Glorieux. L’Iris ira trouver refuge à Barcelone tandis que la Vénus préférera se saborder dans la rade.
Un seul bâtiment de surface, le Leonor Fresnel, du Service des Phares et Balises, ralliera Alger, après s’être échappé des Salins d’Hyères.
Sur le Strasbourg, l’amiral de Laborde refuse de quitter son navire, il ne comprend toujours pas pourquoi Hitler a renié sa parole, celle de ne rien entreprendre contre la flotte française. Il faudra un ordre personnel du maréchal Pétain pour qu’il accepte d’abandonner le bord.
Le drame est consommé, près de 90 bâtiments représentant 235.000 tonnes, dont la totalité des bâtiments de combat sont coulés et irrécupérables. En acceptant ce sacrifice, la Marine a respecté son serment de 1940, ne jamais livrer la Flotte a des mains étrangères.
Le bilan
Au soir du 27 novembre 90 % de la flotte est sabordée. 3 cuirassés, 7 croiseurs, 15 contre-torpilleurs, 13 torpilleurs, 6 avisos, 12 sous-marins, 9 patrouilleurs et dragueurs, 19 bâtiments de servitude, 1 bâtiment-école, 28 remorqueurs et 4 docks de levage.
L’Allemagne ne capture que 39 bâtiments mais tout de petit tonnage sans grande valeur militaire car sabotés, endommagés, ou pour certains désarmés.
Pour les Allemands, l’opération Lila se solde donc par un échec grâce à la parfaite mise au point des consignes de sabordage élaborée dès l’annonce du franchissement de la ligne de démarcation 15 jours auparavant.
Côté français, il serait bien prétentieux de parler de succès dans ce désastre qui voit la disparition de la plus belle flotte que la France ait jamais comptée.
Tout fut perdu, fors l’honneur…
Claude Boyer